Après avoir vainement cherché,
fouiné, exploré les méandres tortueux d’internet à la recherche d’un tableau,
de guerre lasse j’ai finalement posé cette question dans Twitter.
Dis Twitter, toi qui sais tout, je cherche le nom du tableau et du peintre de cette toile où l'on voit cheminer une noce dans un pré
— José Defrançois (@Defrancoisjose) 18 Septembre 2014
J’ai d’ailleurs eu une réponse qui m’a beaucoup fait rire. Un vrai gosse....
@Defrancoisjose #ADP sur M6 ? #jesors
— Johann (@CranGevrierJB) 18 Septembre 2014
J’ai aussi interpellé quelques uns de ceux dont je pensai qu’ils pourraient m’aider dans ma recherche. Tous se sont gratté la tête, ont essayé de m’aider et je les en remercie vivement.
Mais la solution était
ailleurs.
Je ne sais plus trop comment
ma fée et moi en sommes venus à parler de peintres et de tableaux hier soir.
Nous cherchions, je crois, un
tableau dont elle pourrait s’inspirer pour une sorte de concours de couture, m’enfin
un truc dans le genre « loisirs créatifs ».
De fil en aiguille
(décidément....) j’en étais arrivé à Caillebotte, un peintre dont j’apprécie
tout particulièrement les œuvres. Malheureusement je n’ai encore jamais pu en
voir une seule « en vrai ». Ça viendra sans doute un jour, j’ai
encore un peu le temps.
Bien sur, il y a les Raboteurs de parquet, probablement un des tableaux les plus connus lorsque l’on parle de Caillebotte. C’est d’ailleurs par un aperçu de ce tableau que j’ai découvert
ce peintre et commencé à aimer son travail.
Mais il y en a tant d’autres.
Parmi eux, il en est un que j’aime par-dessus tout, il s’agit de celui intitulé
Le Pont de L’Europe. Je ne sais pas expliquer ce qui m’attire dans ce tableau,
ce qui fait que je retourne souvent le voir, mais est-ce si important de savoir
pourquoi on préfère telle œuvre à une autre ?
Je n’en sais rien, je ne crois
pas.
Selon moi seules comptent l’émotion,
le plaisir de contempler, de découvrir presque à chaque fois de nouveaux détails
dans un tableau que l’on croit pourtant bien connaître.
Revenons-en à mon histoire de
tableau imaginaire. Parce que maintenant je sais qu’il n’existe pas. Tout au
moins, pas ailleurs que dans ma pauvre cervelle.
Je cherchai donc un tableau qui représente une scène de noces à la campagne.
Je cherchai donc un tableau qui représente une scène de noces à la campagne.
Ce truc m’a tracassé à un point
que ce n’est presque pas imaginable. Une véritable obsession. Je me suis endormi hier soir en y pensant, la lecture quotidienne qui m’aide à m’endormir le soir en a
été toute perturbée. Je devrai probablement revenir plusieurs dizaines de pages
en arrière ce soir pour reprendre le fil du récit. Peu importe....
Je me suis réveillé ce matin
avec cette histoire de tableau, j’y ai pensé tout le long du chemin qui me mène
d’abord au bistrot et ensuite au boulot. Tout au long de la journée j’y ai
aussi vaguement songé.
Mes camarades de Twitter,
@CSMBeggen, @GrimardC, @cjeannney, @francisroyo, @dhasselmann et
@GiovanniMerloni ont tous essayé de m’aider.
Chacun d'entre eux tient un blog, je vous invite (mais vous faites comme vous voulez) à aller y jeter un œil.
Chacun d'entre eux tient un blog, je vous invite (mais vous faites comme vous voulez) à aller y jeter un œil.
Ils ne pouvaient pas savoir
que je recherchai une chimère.
Ça m’est venu d’un seul coup
en lisant un mail, ou plutôt en lisant le nom de l’expéditeur.
Une légère analogie. Legrand.
Une sonorité qui m’était
connue.
Et soudain je me suis souvenu.
Bongrand !
La solution était là. Je suis
tout de même allé vérifier.
C’était bien ça, Zola, L’Œuvre :
Mais,
à ce moment, un coup de sonnette le stupéfia. Au milieu du silence brusque des
autres, il reprit :
« À
onze heures ! qui diable est-ce donc ? »
Il
courut ouvrir, on l’entendit jeter une exclamation joyeuse. Déjà, il revenait,
ouvrant la porte toute grande, disant :
« Ah !
que c’est gentil, de nous aimer un peu et de nous surprendre !… Bongrand,
messieurs ! »
Le
grand peintre, que le maître de la maison annonçait ainsi, avec une familiarité
respectueuse, s’avança, les mains tendues. Tous se levèrent vivement,
émotionnés, heureux de cette poignée de main si large et si cordiale. C’était
un gros homme de quarante-cinq ans, la face tourmentée, sous de longs cheveux
gris. Il venait d’entrer à l’Institut, et le simple veston d’alpaga qu’il
portait avait à la boutonnière une rosette d’officier de la Légion d’honneur.
Mais il aimait la jeunesse, ses meilleures escapades étaient de tomber là, de
loin en loin, pour fumer une pipe, au milieu de ces débutants, dont la flamme
le réchauffait.
« Je
vais faire le thé », cria Sandoz.
Et,
quand il revint de la cuisine avec la théière et les tasses, il trouva Bongrand
installé, à califourchon sur une chaise, fumant sa courte pipe de terre, dans
le vacarme qui avait repris. Bongrand lui-même parlait d’une voix de tonnerre,
petit-fils d’un fermier beauceron, fils d’un père bourgeois, de sang paysan,
affiné par une mère très artiste. Il était riche, n’avait pas besoin de vendre,
et gardait des goûts et des opinions de bohème.
« Leur
jury, ah bien ! j’aime mieux crever que d’en être ! disait-il avec de
grands gestes. Est-ce que je suis un bourreau pour flanquer dehors de pauvres
diables, qui ont souvent leur pain à gagner ?
–
Cependant, fit remarquer Claude, vous pourriez nous rendre un fameux service,
en y défendant nos tableaux.
– Moi,
laissez donc ! je vous compromettrais… Je ne compte pas, je ne suis
personne. »
Il y
eut une clameur de protestation, Fagerolles lança d’une voix aiguë :
« Alors,
si le peintre de la Noce au village ne compte pas ! »
Mais
Bongrand s’emportait, debout, le sang aux joues.
« Fichez-moi
la paix, hein ! avec la Noce. Elle commence à m’embêter, la Noce,
je vous en avertis… Vraiment, elle tourne pour moi au cauchemar, depuis qu’on
l’a mise au musée du Luxembourg. »
Cette Noce
au village restait jusque-là son chef-d’œuvre : une noce débandée à
travers les blés, des paysans étudiés de près, et très vrais, qui avaient une
allure épique de héros d’Homère. De ce tableau datait une évolution, car il
avait apporté une formule nouvelle. À la suite de Delacroix, et parallèlement à
Courbet, c’était un romantisme tempéré de logique, avec plus d’exactitude dans
l’observation, plus de perfection dans la facture, sans que la nature y fût
encore abordée de front, sous les crudités du plein air. Pourtant, toute la
jeune école se réclamait de cet art.
« Il
n’y a rien de beau, dit Claude, comme les deux premiers groupes, le joueur de
violon, puis la mariée avec le vieux paysan.
– Et
la grande paysanne, donc, s’écria Mahoudeau, celle qui se retourne et qui
appelle d’un geste !… J’avais envie de la prendre pour une statue.
– Et
le coup de vent dans les blés, ajouta Gagnière, et les deux taches si jolies de
la fille et du garçon qui se poussent, très loin ! »
Bongrand
écoutait d’un air gêné, avec un sourire de souffrance. Comme Fagerolles lui
demandait ce qu’il faisait en ce moment, il répondit avec un haussement
d’épaules :
« Mon
Dieu ! rien, des petites choses… Je n’exposerai pas, je voudrais trouver
un coup… Ah ! que vous êtes heureux, vous autres, d’être encore au pied de
la montagne ! On a de si bonnes jambes, on est si brave, quand il s’agit
de monter là-haut ! Et puis, lorsqu’on y est, va te faire fiche ! les
embêtements commencent. Une vraie torture, et des coups de poing, et des
efforts sans cesse renaissants, dans la crainte d’en dégringoler trop
vite !… Ma parole ! on préférerait être en bas, pour avoir tout à
faire… Riez, vous verrez, vous verrez un jour ! »
La
bande riait, en effet, croyant à un paradoxe, à une pose d’homme célèbre,
qu’elle excusait d’ailleurs. Est-ce que la suprême joie n’était pas d’être
salué comme lui du nom de maître ? Les deux bras appuyés au dossier de sa
chaise, il renonça à se faire comprendre, il les écouta, silencieux, en tirant
de sa pipe de lentes fumées.
Un simple rêve sorti des dizaines de lecture
que j’ai faite de ce texte. De ces lectures, de la précision de l’écrivain est
né ce tableau, il s’est mis à exister. Je le voyais si bien hier soir, et aussi toute cette journée....il était réel,
il devait être quelque part.
Il n’avait malheureusement pas
d’autre réalité que celle que mon esprit avait bien voulu lui accorder. La
force de l’écriture de Zola avait enfanté un tableau fantôme.
Les tableaux que l'on rêve sont parfois les plus beaux .. Comme les textes :-)
RépondreSupprimerOui, il reste beau, même si à la relecture du texte de Zola quelques détails ont changé, je vois encore le tendre du vert, le cortège un peu éparpillé, je vois encore le joueur de violon.
SupprimerEncore que le joueur de violon sort d'un autre livre. Madame Bovary, mon livre est en lambeaux à force de lectures, je n'arrive pourtant pas à m'en défaire et à en racheter un nouvel exemplaire. Un peu comme si c'était une trahison. Bref me voilà bien loin à nouveau....
"Le ménétrier allait en tête, avec son violon empanaché de rubans à la coquille ; les mariés venaient ensuite, les parents, les amis tout au hasard, et les enfants restaient derrière, s’amusant à arracher les clochettes des brins d’avoine, ou à se jouer entre eux, sans qu’on les vît. La robe d’Emma, trop longue, traînait un peu par le bas ; de temps à autre, elle s’arrêtait pour la tirer, et alors délicatement, de ses doigts gantés, elle enlevait les herbes rudes avec les petits dards des chardons, pendant que Charles, les mains vides, attendait qu’elle eût fini. Le père Rouault, un chapeau de soie neuf sur la tête et les parements de son habit noir lui couvrant les mains jusqu’aux ongles, donnait le bras à Mme Bovary mère. Quant à M. Bovary père, qui, méprisant au fond tout ce monde-là, était venu simplement avec une redingote à un rang de boutons d’une coupe militaire, il débitait des galanteries d’estaminet à une jeune paysanne blonde. Elle saluait, rougissait, ne savait que répondre. Les autres gens de la noce causaient de leurs affaires ou se faisaient des niches dans le dos, s’excitant d’avance à la gaieté ; et, en y prêtant l’oreille, on entendait toujours le crin-crin du ménétrier qui continuait à jouer dans la campagne. Quand il s’apercevait qu’on était loin derrière lui, il s’arrêtait à reprendre haleine, cirait longuement de colophane son archet, afin que les cordes grinçassent mieux, et puis il se remettait à marcher, abaissant et levant tour à tour le manche de son violon, pour se bien marquer la mesure à lui-même. Le bruit de l’instrument faisait partir de loin les petits oiseaux."
Quel joli tableau ! Parce-que, même s'il n'existe pas, je le vois très bien :)
RépondreSupprimerJe le voyais si bien, j'étais tellement persuadé qu'il existait vraiment ! J'ai eu un moment de déception en me rendant compte de ma bévue, j'ai craint un moment qu'il ne s'évanouisse....mais non, il est toujours là, intact.
SupprimerÀ tes pinceaux !
RépondreSupprimerC'est prévu ! J'attends l'hiver et ses longues journées d'ennui.
SupprimerMerci d'avoir passé un moment chez le petit bonhomme ;)
J'ai enfin la solution de l'énigme à laquelle vos différents tweets ne faisaient qu'ajouter une certaine confusion...
RépondreSupprimerMerci néanmoins de m'avoir mis dans votre liste !
Un tableau rêvé, ce serait du Magritte, en fait : bien après Zola. Mais les noces à la campagne existent encore, il me semble. On pourrait les représenter aussi d'une manière cubiste (le musée Picasso, devenu "Picasso Paris", comme un nom de marque de société), car Manet était plutôt porté sur les déjeuners sur l'herbe.
Cette nuit, j'ai rêvé que ma fille était un bébé (elle aura bientôt vingt ans) et la troisième de mes enfants (alors qu'ils ne sont que deux), je la portais et la montrais à des amis : je pourrais dessiner la scène - pourquoi raconter ses rêves et ne pas tenter de les esquisser, leur laissant ainsi le mystérieux du trait ?
Désolé de vous avoir quelque peu perturbé avec cette histoire de tableau imaginaire, il fallait en effet avoir vu le premier tweet.
SupprimerCette histoire de recherche de tableau m'a tout de même bien tracassé. L'énigme est maintenant résolue.
Bien sur que les noces campagnardes existent toujours, mais la musique vivante a été remplacée par un concert de klaxons et de gens hurlants la tête passée par la vitre ouverte de la portière. Autres temps....
Cet été je suis passé tout au bord de la falaise, un pas de plus et j'aurai quitté notre monde. Si aujourd'hui les choses sont rentrées dans l'ordre, cet épisode n'est pas sans avoir laissé quelques séquelles psychologiques. Des petits cachets blancs m'aident à passer ce cap un peu difficile. Et je me demande si ces aides ne sont pas pour quelque chose dans le mélange de mes souvenirs et la perception que j'ai du réel.
Encore que je me demande si cette perception un peu déformée ne me plait pas plus que ce que j'en connaissais avant....
Dessiner ses rêves ? Pourquoi pas ? Le dessin pourrait laisser cette part de mystère que la verbalisation du rêve détruit à coup sur. Mais je n'ai ni le talent ni la main assez sûre pour m'y essayer. Il aurait été plus convenable d'écrire : Je n'ai plus.
Il y a bien longtemps que j'ai abandonné toute velléité de poser des traits et des couleurs. C'était il y a longtemps, un jour de colère.
Mais dites-moi, quel est l'âne qui a pondu ce "Picasso Paris" si laid ? Un nom de marque en effet, tout est prétexte à marchandisation aujourd'hui....