« Je
ne suis pas né SDF, je le suis devenu. J’en suis sorti. »
Cela fait je ne sais combien
de matins que je me réveille avec cette phrase en tête.
Je ne sais pas pourquoi j’y
pense plusieurs fois par jour.
Cette phrase est d’Ervé aka
@croisepattes sur Twitter.
Cela fait un moment que nous
nous suivons sur ce réseau, un moment que nous « conversons », un
moment aussi que je lis son blog.
Je l’aime bien le gars Ervé,
un truc comme ça qui arrive on ne sait pourquoi, ce n’est pas que nous
papotions pendant des heures, non, un salut par-ci, quelques mots par-là. Des
vannes un peu pourries échangées. Presque comme si nous étions au comptoir du
bistrot du coin.
Je l’aime bien le gars Ervé,
nous ne nous rencontrerons probablement jamais mais ça n'a guère d’importance, l’essentiel
est ailleurs. Il a connu la galère l’ami Croisepattes, la rue avec tout ce que
cela sous entend. Je n’en sais pas beaucoup plus, pas la peine. Le peu qu’il m’a
semblé saisir me suffit. Tout comme de savoir aussi que les choses semblent s’arranger.
En être heureux pour lui.
Je te vois en train de te
demander où je veux en venir avec mon histoire.
Attends, on y arrive.
A un moment de ma vie j’aurais
pu aussi tomber dans la galère, et tu peux me croire la descente est très
rapide, elle arrive sans crier gare à une vitesse vertigineuse. Tu te retournes
une seconde et il presque déjà trop tard. Tu t’accroches, la moindre branche
est bonne pour te rattraper, ne pas tomber tout à fait.
Moi, c’est le boulot qui m’a
sauvé. Un changement inespéré, la chance de bosser pour une marque prestigieuse
dans le monde du verre de collection. Sept ans de passion, sept années
exceptionnelles faites de rencontres, sept années d’émerveillement quotidien
devant la magie sortie des mains des maîtres vénitiens.
Depuis j’ai fait tout un tas d’autres
choses, j’ai continué le chemin. Il y a encore des embûches, quelques ornières profondes
desquelles il est parfois difficile de sortir.
Demain reste incertain.
Je pense à cet abime dans
lequel j’ai failli tomber, je pense à ce relatif confort dans lequel je vis
aujourd’hui, je pense à ceux qui n’ont pas eut ma chance. A ceux qui errent
toute la journée, à ceux qui ne savent pas le matin s’ils auront la chance d’avoir
un peu de chaleur pour passer une nuit de plus.
Attendre le prochain matin.
Un abri de fortune, quelques
cartons, un vieil entrepôt désaffecté, une tente trimballée toute la journée qu’il
faut le soir déplier dans un coin à l’abri des regards. Se laisser enfermer
dans une station de métro, une gare, un hall d’immeuble.
Et lutter, lutter contre l’engourdissement,
lutter contre l’envie de lâcher.
Lutter aussi contre la
méchanceté, la bêtise, l’ignominie.
Cela faisait longtemps que je
ne m’étais pas mis dans un tel état de colère.
Je sais que ma voix est toute
petite dans l’immense monde des blogs, je sais que ma colère passera presque
inaperçue dans le flot continu des mots qui se publient chaque seconde.
Peu importe.
Personne ne m’enlèvera le
droit de m’indigner. Le droit ? Le devoir de m’indigner.
C’est au cours d’un échange
sur Twitter que j’ai eu connaissance de cet affichage.
Un simple A4.
Un simple A4 certes, mais vous
savez aussi bien que moi que les mots peuvent parfois être violents. Violents
et ignobles.
Relisez bien, une fois encore.
Vous l’avez sentie cette violence à peine masquée. Vous les avez ressenties ces
menaces à l’encontre des locataires de cet immeuble ?
Je veux bien concevoir tout ce
que la présence de personnes étrangères dans un hall d’immeuble peut avoir d’inquiétant.
Je comprends que les gérants de cette société puissent redouter les
dégradations qui sont parfois commises, je comprends également que « certains »
profitent de ces mêmes halls d’immeubles pour s’y livrer à des commerces
illicites. Je comprends tout ça.
Je veux cependant croire, j’espère,
qu’il s’agit d’une initiative malheureuse d’un agent qui a cru bien faire. Il n’en
reste pas moins que les mots sont là et qu’ils sont d’une rare violence.
« Si vous les nourrissez ».... mais
bordel on parle de quoi là ?
D’êtres humains !
De femmes, d’hommes en détresse.
De personnes qui n’ont plus d’autre choix que celui de s’abriter un moment dans un hall d'immeuble.
Et on menace d’expulsion des
locataires qui leur viendraient en aide en partageant un peu de leur repas. Qu’est-il
passé par la tête de celui ou de celle qui a pondu cette note ? Est-ce qu’à
un moment il ou elle a mesuré la portée des mots employés ?
Je ne crois pas.
Depuis, le Directeur général de Saint-Ouen Habitat
Public a publié un communiqué dans lequel il présente ses « plus sincères
excuses à l'ensemble des locataires du 41 rue Dhalenne qui ont pu être heurtés
à juste titre par la communication pour le moins extrêmement maladroite qui a
été affichée cette semaine. »
....
Indignation salutaire, merci à toi !
RépondreSupprimerEt honte, malgré les excuses, au responsable de cette "communication" (sic) de "Saint-Ouen Habitat public".
Bientôt on enverra des "brigades canines" (eux, ils ont du Canigou à se mettre sous la dent) pour éviter ces SDF qu'il faut laisser mourir de faim !
Et que penser de ce "mobilier urbain" ?
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