J’étais au volant ce matin, confortablement
assis, au chaud. En route vers ma pause café quotidienne au bistrot. Pareil, au
chaud, tranquille à faire l’andouille avec mes voisins de comptoir. Un moment d’insouciance
avant d’aller « affronter » une journée de boulot.
La route qui défile, la radio
allumée, comme toujours. Les infos.
J’écoutais distraitement la
déroute de nos tennismen, les témoignages à charge ou à décharge. Des
explications plus ou moins alambiquées pour expliquer la défaite. La faute à l’un,
ou peut-être la douleur au bras de je ne sais plus trop qui.... Je ne connais
pas grand-chose en sport, par contre je sais une chose : quand on est
battu c’est que l’adversaire était plus fort. Point barre. Le reste, c’est de
la littérature !
Passons.
J’ai monté le son quand le
journaliste a commencé à parler des restos.
Oui, je sais. A l’heure qu’il
est, tu as sans doute déjà lu la presse, tu as sans doute aussi parcouru je ne
sais combien de billets de blog évoquant le sujet.
Un billet de plus. Noyé dans
la masse. Inutile.
Je me souviens comme si c’était
ce matin de cet appel lancé par Coluche, un truc balancé à l’antenne comme ça,
l’air de rien. Encore que je me demande si le bonhomme n’avait pas déjà en tête
sa petite idée sur le sujet....
Je ne sais plus où j’étais ce
jour là, ni pourquoi j’écoutais Europe1. Ça devait être cette grande époque de
Coluche, sur Europe, sur Canal+. Je ne sais plus bien, je mélange peut-être un
peu les époques, peu importe.
Ce qui est important c’est ce
souvenir si net. J’écris plus haut « comme si c’était ce matin », ce
n’est pas juste une image. Les mots sont là, imprimés dans ma mémoire. Aussi la
gouaille du bonhomme, cette façon inimitable de s’exprimer. Chacun pense ce qu’il
veut de Coluche, de ses excès, de ses outrances de langage, de sa quasi absence
de limites quand il s’adressait directement ou par des voies détournées aux
personnages politiques de l’époque. Je le considère comme un grand mec.
« Comme si c’était ce
matin. »
Tu imagines ça, c’était il y a
presque trente ans !
Mais on s’en fiche de ma
mémoire, ce n’est pas ça l’important.
L’important c’est qu’aujourd’hui
s’ouvre la trentième campagne des Restos du Cœur.
Trente ans que des familles,
des femmes seules avec des gosses, des mecs qui bossent mais qui n’ont plus
assez de fric à la fin du mois pour remplir le frigo ou encore des « petits
retraités », trente ans que ces gens se nourrissent un peu mieux grâce à
la générosité.
Je ne vais ni te redonner
toute une litanie de chiffres ni te copier/coller une belle infographie. Tu as déjà
vu tout ça.
Je n’ai pas envie non plus de
te faire chialer, tu la connais cette misère, tu passes à côté tous les jours.
Ou plutôt non, tu ne la connais pas. Parce que la plupart du temps, cette
misère là elle se cache. Tu ne sais pas que ton voisin se serre la ceinture un
jour sur deux, tu ne sais pas que ce jeune gars que tu croises chaque matin
dans le couloir au boulot dort chaque soir dans sa bagnole pourrie garée sur un
parking à la sortie de la ville. Tu ne sais pas non plus que cette jeune femme qui
amène ; l’air de rien ; son petit à l’école, n’a rien mangé depuis
deux jours.
Je crois que je me trompe
quand je dis que la misère se cache, ça doit juste s’appeler la fierté. Cette
fierté qu’il faut ravaler pour ne pas crever de faim. Cette fierté qu’il faut
mettre au fond de sa poche avec son mouchoir bien tassé par dessus pour avoir
le courage d’aller pousser la porte des Restos. Aller demander à manger.
Putain ! 30 ans !
Tu veux que je te dise, j’ai
mal au cul !
J’ai mal au cul, parce que je
ne peux rien faire, ou si peu. J’ai mal au cul parce pendant ce temps là tu as
des mecs qui se gavent.
Oui, je sais c’est le jeu. Les
règles sont écrites comme ça.
Il y a comme ça des jeux que
je n’aime pas beaucoup, pourtant je suis aussi dans l’équipe. Je me bagarre
chaque jour pour avoir plus. Je suis un putain de paradoxe.
Je t’ai lu Manuel Valls :
« Le gouvernement
s'engage à promouvoir les dons »
« donc il faut à la fois
trouver les bons dispositifs fiscaux, mais surtout les bons dispositifs
techniques, administratifs, à travers le dialogue avec les filières afin que
nous puissions avancer le plus vite possible. »
« un véritable sursaut
pour la justice, contre les inégalités, pour une meilleure répartition des
richesses, que nous devons les uns et les autres accomplir, et c'est
l'engagement que je prends devant vous. »
Sauf que ce ne sont pas les dons qui devraient payer mais la solidarité nationale.
RépondreSupprimerJe sais Nicolas, je sais....
SupprimerPeut-être que c'était une idée à la con, que le gars Coluche aurait du "faire pression" sur le gouvernement de l'époque pour qu'il mette la main à la poche, peut-être que....je n'en sais rien. Toujours est-il qu'aujourd'hui sans la générosité des gens, de quelques entreprises etc. des personnes crèveraient de faim.
Je trouve cela personnellement très bien, que l'on s'adresse directement à nous, à notre plus ou moins grand sens de la charité. Ne serait-ce que parce que c'est nettement plus efficace que je ne sais quelle usine à gaz basée sur la "solidarité nationale", qui s'empresserait évidemment de ne pas fonctionner (mais ferait plaisir à Nicolas, ce qui n'est pas le but premier de l'opération).
RépondreSupprimerCela dit, n'en profitons pas pour faire de Coluche un génie voire un saint : il a simplement repeint à neuf la bonne vieille soupe populaire, qui, sous divers noms, doit bien avoir ses deux mille ou deux mille cinq cents ans d'existence.
Accaparé par tout un tas de machins, j'ai lamentablement oublié de vous répondre.
SupprimerLe problème de ces billets écrits à la va vite, sous le coup d'une émotion, ce n'est pas tant le manque de réflexion que l'émotion elle-même.
Je suis partagé.
Partagé entre ce que pense Nicolas,c'est à dire qu'il devrait appartenir à l'état de veiller à ce que tout le monde puisse se nourrir convenablement, que chacun puisse avoir un logement décent, un travail. Nous en sommes loin. Je force le trait à dessein.Je ne veux pas d'un état qui pourvoirait à tout. Néanmoins n'est-ce pas là aussi un peu son rôle ?
Partagé aussi entre ce que vous en dites.
Vous écrivez "une usine à gaz", et vous n'êtes pas loin de la vérité. Nous savons, vous et moi que la majeure partie des dispositifs "gouvernementaux" fonctionnent mal. Nous ne savons pas faire des choses simples. Et c'est sur ce point que je vous rejoins, et même si je n'aime pas trop ce mot de "charité" c'est encore ce qui fonctionne le mieux.
Quant à Coluche....