mardi 30 décembre 2014

Un homme est mort hier.





















samedi 27 décembre 2014

Les magiciens du samedi



Z’avez pas encore fini de digérer la dinde de Noël ? Peut-être la tranche de trop de cette fameuse bûche bien grasse ?

Ou alors une trop grande activité du coude vers la pente vertigineuse du gosier ?

Il me semble que vous êtes bien raplaplas ce matin ! Vous pensez que je ne vous vois pas (Oui, oui même toi ! Pas la peine de faire celui qui ne comprends pas) tous affalés dans le canapé comme de gros mollusques devant les inepties qui passent à la télé.

Va falloir vous secouer les gars !

C’est pas fini ! Il y a encore le réveillon du 31 !

On va remédier à tout ça. Vous remettre dans une forme olympique !

Déjà, tu vas te lever du canapé, monter le son bien fort et commencer à agiter la tête en cadence. Doucement au début. Ne vas pas te démantibuler un neurone.

Oui je sais tu te sens encore un petit peu nauséeux. Ah ben oui, fallait pas abuser, je t’avais pourtant bien prévenu. Tu as voulu t’en prendre un petit dernier, le fameux digestif bien couillu. Ben tu vois, fallait pas.

Bon, ça y est, tu es debout ? Au début ça va te faire bizarre, mais tu vas voir ça va bien se passer.

T’es prêt ? 3’10’’ d’exercice.

Go !



Ça va ? Tu en veux encore ?

On corse un peu, on va faire dans le brutal, se risquer sur le bizarre (oui, oh ça va, je pompe si je veux ! C’est qui le taulier ?)



Si tu es trop fatigué, tu te le gardes pour ton petit déjeuner de demain matin. Fais gaffe quand même de ne pas renverser ta tasse de café.

2014 dans le rétro.

   - 9 janvier 2014
Le Conseil d'État valide par une ordonnance l'interdiction du spectacle Le Mur de l'humoriste Dieudonné au Zénith de Nantes.
On le sait, «l’humoriste » a défrayé la chronique pendant de longues semaines. Son geste prétendument « antisystème » est repris un peu partout par des écervelés.



   - 20 février 2014
Pendant que se déroulent les jeux olympiques d’hiver à Sotchi en Russie, le ministre de l’intérieur Ukrainien Vitaly Zakhartchenko autorise les forces de l’ordre à faire usage des armes contre les manifestants de la Place de l'Indépendance à Kiev. Bilan : 82 morts, 622 blessés.


   - 31 mars 2014
Suite à la défaite de la gauche aux municipales, Manuel Valls est nommé au poste de Premier ministre par François Hollande. Critiqué par une partie des socialistes pour son positionnement « un peu trop au centre » voire même « trop à droite » il s’inscrit dans une ligne « sociale-démocrate ».


Dans un livre publié en 2008, Manuel Valls écrit : "Parti socialiste, c'est daté. Ça ne signifie plus rien. Le socialisme, ça a été une merveilleuse idée, une splendide utopie. Mais c'était une utopie inventée contre le capitalisme du XIXe siècle !"

Quelques villes tombent aux mains du FN, début d’une marche triomphante vers 2017 ?


   - 06 avril 2014
Jean-Louis Borloo annonce renoncer à tous ses mandats et fonctions. L’inquiétude plane sur l’UDI.


   - 13 mai 2014
Accident minier de Soma en Turquie


   - 06 juin 2014
Commémorations du 70e anniversaire du débarquement de Normandie.




   - 13 juillet 2014
L’Allemagne remporte la coupe du monde de football face à l’Argentine.
La popularité et l’engouement suscité par cet événement sportif ne doivent pas faire oublier les dépenses somptuaires engagées par le pays organisateur, dépenses qui contrastent cruellement avec l’extrême pauvreté qui touche une grande partie de la population.
Et si le vrai football était ailleurs ?




   - 03 août 2014
Cent ans jour pour jour après la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France, les présidents français et allemand, François Hollande et Joachim Gauck ont signé une déclaration commune à l'occasion de la pose de la première pierre de l'historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf. Un musée qui sera « aussi désormais un emblème de l'amitié entre la France et l'Allemagne et un symbole de leur mémoire réconciliée »
Dans son allocution le président français a évoqué l’actualité en appelant à un cessez le feu à Gaza. Il a également souligné que « L'histoire de la France et de l'Allemagne démontre que la volonté peut toujours triompher de la fatalité et que des peuples qui ont été regardés comme des ennemis héréditaires peuvent en quelques années se réconcilier ».



   - 02 septembre 2014
Malgré la promesse de François Hollande « d’inverser la courbe du chômage », le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter. Dans un contexte économique tendu, les entreprises restent frileuses, le manque de visibilité les rendent hésitantes face à l’embauche. Toutefois François Rebsamen, ministre du travail, rappelle que 350000 postes ne sont pas pourvus et demande à Pole Emploi de « renforcer les contrôles ».
Il nuance toutefois son propos en admettant que les postes proposés ne sont pas toujours en adéquation avec les compétences des demandeurs d’emploi et reconnait « un échec » en matière de chômage avec un nombre record de 3,424 millions de demandeurs d'emploi sans activité en métropole, ceci après neuf mois de hausse consécutive.


   - 25 octobre 2014
Le corps sans vie d’un jeune homme est découvert aux abords du chantier du barrage de Sivens. Quelques semaines plus tard, l’enquête administrative conclura qu’aucune faute professionnelle n’a été commise par les gendarmes. « Il appartient désormais à l'enquête judiciaire de déterminer l'exacte responsabilité et le degré de responsabilité imputable au lanceur » de la grenade offensive à l'origine de la mort de Rémi Fraisse.
Au total, les gendarmes tireront cette nuit-là 237 grenades lacrymogènes, 41 balles de défense (LBD), 38 grenades F4 (mixtes lacrymogènes-effet de souffle) et lanceront 23 grenades offensives (effet de souffle).



   - 10 novembre 2014
7 jours, 15 heures, 8 minutes et 32 secondes
Parti de Saint-Malo le 02 novembre à 14h00, Loïck Peyron remporte la Route Du Rhum 2014 à bord du Banque populaire VII battant au passage le record de 2006 de Lionel Lemonchois de 02h00.


   - 22 décembre 2014
Le rocker à la voix rauque coupe le son.


mercredi 24 décembre 2014

Un autre décembre.



J’étais certain de l’avoir vu enjamber la barrière d’une maison au bout de la rue. Malgré la lumière chiche des lampadaires je ne pouvais pas me tromper, j’étais certain de l’avoir vu.

Qui d’autre ? J’ai couru, remonté la ruelle depuis la plage.

Personne.

Des vieux volets de la villa sortent seulement quelques raies de lumière pâle, presque incertaine dans le brouillard.

J’avais la gorge brûlée par le froid et la course, les yeux emplis de larmes.

Le froid peut-être ?

J’ai fouillé mes poches, sorti une cigarette du paquet chiffonné, cherché dans les plis du manteau un abri pour la flamme. Le vent comme des lames de rasoir, un vent d’odeurs aussi.

Je me suis posé un moment sur un petit muret face à la maison où j’avais cru l’apercevoir. Allumé une autre cigarette. Je sentais le froid du béton m’envahir peu à peu.

J’ai pensé à eux, réunis autour de la table familiale, à leurs rires, à leurs voix mêlées. Souvent des mots de peu, le ciment des familles. Une fois de plus j’avais refusé de partager la douceur d’être réunis.

J’avais un autre rendez-vous.

Une idée fixe. Aller voir ma mer le soir de Noël.

Arpenter la longue plage déserte, des aller-retours sans autre but que celui d’épuiser la peine, parcourir aussi les rues peu à peu envahies par le sable, des rues dépeuplées par les vents rudes de l’hiver.

Un labyrinthe fait d’angles droits. Un labyrinthe vide où se perdre.

Au bout d'un long temps je me suis levé du muret trop froid. Donné un dernier regard aux volets clos et suis retourné vers la plage, descendu la volée de marches, repris mon voyage sur le sable lourd. Un voyage au bout de l’inutile.

A quoi bon toujours se retourner ?

A quoi bon chercher à m’épuiser. A quoi bon chercher à me punir ? Seulement penser à tenir la promesse faite de continuer le chemin. Ne pas lâcher.

Dans l’immense solitude, marcher au bord de l’eau, écouter et sentir. Reculer peu à peu devant le flot. Si ce n’était l’obscurité pouvoir me retourner et contempler mes pas qui s’impriment en diagonale dans le sable. Des traces qui s’effacent peu à peu, devenir une fois de plus invisible.

La vie ignore les lignes droites, c’est comme ça, il n’y a pas grand-chose à y faire.

Une vie comme une pelote de laine que l’on déroule petit à petit.

Approcher du prochain virage, ne pas savoir ce que l’on va découvrir au détour du chemin. Espérer que la pente ne sera pas trop rude, qu’il n’y aura pas trop de pierres qui roulent sous les pas et puis découvrir que le sentier est tortueux, semé d’ornières. Des ornières quelquefois profondes, de ces ornières dont on ressort grandi, plus fort. En apparence seulement. Des ornières qui peuvent aussi laisser des traces. Des blessures qui même si elles cicatrisent ne s’oublient pas. Les mauvais jours, tout le mal revient à la surface, les yeux se voilent, l’oreille devient sourde à l’extérieur. La carapace si dure en apparence se couvre de fissures, des fissures infimes en surface, en réalité des falaises dont il ne vaut mieux pas s’approcher. Le vent y souffle en tempête en permanence, les vagues d’une mer hargneuse travaillent chaque jour à détruire la roche, lentement, surement. L’équilibre est là, d’un côté la force des éléments, de l’autre un homme qui lutte pour ne pas tomber.

Marcher encore, ne plus savoir le temps, attendre l’aube. Attendre un autre matin, reprendre le cours d’une vie interrompue. Refermer la parenthèse de dix années de solitude.


Un autre décembre.

Posée là dans un coin de la terrasse, une petite chaise verte. Avec son air de rien, tu ne soupçonnes pas toute l’importance qu’elle peut avoir.

Elle aussi a une longue histoire. Elle n’aurait jamais du arriver jusqu’ici. Elle a passé de longues années dans une église dans un village de Flandres. Elle a connu des joies, des peines. Entendu souvent les petites prières de ceux qui sont venus chercher dans Sa maison un peu de réconfort.

La fée qui m’accompagne désormais lui a redonné vie. Patiemment, elle l’a débarrassée de la rouille qui la rongeait. Pour ne pas trop effacer les histoires gravées en elle, ses lattes de bois ont été poncées doucement, avec tendresse presque. Une couche de peinture vert tendre emprisonne ses souvenirs.

Je vais souvent m’y poser. Ce n’est pas tant qu’on y soit confortablement installé que le signe que la vie a repris son cours un moment interrompu. Peu importe qu’il fasse soleil, pluie ou vent, je savoure la douceur des minutes paresseuses. J’écoute le temps s’écouler doucement.

Je me retourne moins souvent sur tout le mal.

Je repense aujourd’hui à mes anciens rendez-vous avec la mer le soir de Noël, je repense à ma longue attente, à la morsure du froid et de l’humidité. Je repense à cette ombre aperçue il y a quelques années.

Je savais bien ce qu’il en était.

Juste un homme, en habits de Père-Noël.

Moi aussi, à cette époque, je faisais semblant.

mardi 23 décembre 2014

Le rockeur à la voix rauque.



Il fait partie de ceux que l’on croit immortels.

Une voix brisée.

La pièce d’un franc glissée dans la fente du juke-box. Regarder le disque se mettre en place, laisser la magie opérer.

Une musique faite pour ces lieux.

La voix rauque au dessus du joyeux brouhaha de la partie de baby. Souvenirs des joyeuses bousculades autour du comptoir. Si tu élargis un peu le champ tu me verras au bout du zinc en train de faire le devoir pour l’heure d’après, ou essayant de poser les fondations d’un monde nouveau dans des discussions infinies. Les utopies de ceux qui ne savent pas encore.

Des souvenirs comme des photos qui commencent à pâlir, tourner les pages de ces albums vieillots, retrouver l’atmosphère de cette salle de bistrot enfumée par nos cigarettes adolescentes. Joe avait souvent sa place parmi nous. Il accompagnait aussi ceux du fond, enlacés pour la première fois ; sur la table, au milieu des cahiers abandonnés, les cafés crème n’en finissent plus de refroidir, oubliés.

1986 pour les plus jeunes d’entre nous, la scène mythique de neuf semaines et ½, la découverte d’un grand bonhomme. Une porte ouverte sur un autre univers, le blues, le rock, la soul.

Il faisait partie de ceux que j’imaginai immortels.

samedi 20 décembre 2014

Les magiciens du samedi



La journée s’est écoulée doucement

Sans heurt

Paresseuse

Premier coup d’œil au garde temps

Quatorze heures

Déjà

Refaire un café

S’emmitoufler

Et aller le boire tranquillement sur la terrasse

Regarder vaguement le jardin dépeuplé

La fumée de la cigarette monte toute droite dans l’air immobile

S’oublier un moment sur la petite chaise verte

vendredi 19 décembre 2014

Le devoir de s'indigner.

« Je ne suis pas né SDF, je le suis devenu. J’en suis sorti. »

Cela fait je ne sais combien de matins que je me réveille avec cette phrase en tête.

Je ne sais pas pourquoi j’y pense plusieurs fois par jour.

Cette phrase est d’Ervé aka @croisepattes sur Twitter.

Cela fait un moment que nous nous suivons sur ce réseau, un moment que nous « conversons », un moment aussi que je lis son blog.

Je l’aime bien le gars Ervé, un truc comme ça qui arrive on ne sait pourquoi, ce n’est pas que nous papotions pendant des heures, non, un salut par-ci, quelques mots par-là. Des vannes un peu pourries échangées. Presque comme si nous étions au comptoir du bistrot du coin.

Je l’aime bien le gars Ervé, nous ne nous rencontrerons probablement jamais mais ça n'a guère d’importance, l’essentiel est ailleurs. Il a connu la galère l’ami Croisepattes, la rue avec tout ce que cela sous entend. Je n’en sais pas beaucoup plus, pas la peine. Le peu qu’il m’a semblé saisir me suffit. Tout comme de savoir aussi que les choses semblent s’arranger. En être heureux pour lui.

Je te vois en train de te demander où je veux en venir avec mon histoire.

Attends, on y arrive.

A un moment de ma vie j’aurais pu aussi tomber dans la galère, et tu peux me croire la descente est très rapide, elle arrive sans crier gare à une vitesse vertigineuse. Tu te retournes une seconde et il presque déjà trop tard. Tu t’accroches, la moindre branche est bonne pour te rattraper, ne pas tomber tout à fait.

Moi, c’est le boulot qui m’a sauvé. Un changement inespéré, la chance de bosser pour une marque prestigieuse dans le monde du verre de collection. Sept ans de passion, sept années exceptionnelles faites de rencontres, sept années d’émerveillement quotidien devant la magie sortie des mains des maîtres vénitiens.

Depuis j’ai fait tout un tas d’autres choses, j’ai continué le chemin. Il y a encore des embûches, quelques ornières profondes desquelles il est parfois difficile de sortir.

Demain reste incertain.

Je pense à cet abime dans lequel j’ai failli tomber, je pense à ce relatif confort dans lequel je vis aujourd’hui, je pense à ceux qui n’ont pas eut ma chance. A ceux qui errent toute la journée, à ceux qui ne savent pas le matin s’ils auront la chance d’avoir un peu de chaleur pour passer une nuit de plus.

Attendre le prochain matin.

Un abri de fortune, quelques cartons, un vieil entrepôt désaffecté, une tente trimballée toute la journée qu’il faut le soir déplier dans un coin à l’abri des regards. Se laisser enfermer dans une station de métro, une gare, un hall d’immeuble.

Et lutter, lutter contre l’engourdissement, lutter contre l’envie de lâcher.

Lutter aussi contre la méchanceté, la bêtise, l’ignominie.

Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas mis dans un tel état de colère.

Je sais que ma voix est toute petite dans l’immense monde des blogs, je sais que ma colère passera presque inaperçue dans le flot continu des mots qui se publient chaque seconde.

Peu importe.

Personne ne m’enlèvera le droit de m’indigner. Le droit ? Le devoir de m’indigner.

C’est au cours d’un échange sur Twitter que j’ai eu connaissance de cet affichage.

Un simple A4.


Un simple A4 certes, mais vous savez aussi bien que moi que les mots peuvent parfois être violents. Violents et ignobles.

Relisez bien, une fois encore. Vous l’avez sentie cette violence à peine masquée. Vous les avez ressenties ces menaces à l’encontre des locataires de cet immeuble ?

Je veux bien concevoir tout ce que la présence de personnes étrangères dans un hall d’immeuble peut avoir d’inquiétant. Je comprends que les gérants de cette société puissent redouter les dégradations qui sont parfois commises, je comprends également que « certains » profitent de ces mêmes halls d’immeubles pour s’y livrer à des commerces illicites. Je comprends tout ça.

Je veux cependant croire, j’espère, qu’il s’agit d’une initiative malheureuse d’un agent qui a cru bien faire. Il n’en reste pas moins que les mots sont là et qu’ils sont d’une rare violence.

« Si vous les nourrissez ».... mais bordel on parle de quoi là ?

D’êtres humains !

De femmes, d’hommes en détresse. De personnes qui n’ont plus d’autre choix que celui de s’abriter un moment dans un hall d'immeuble.

Et on menace d’expulsion des locataires qui leur viendraient en aide en partageant un peu de leur repas. Qu’est-il passé par la tête de celui ou de celle qui a pondu cette note ? Est-ce qu’à un moment il ou elle a mesuré la portée des mots employés ?

Je ne crois pas.

Depuis, le Directeur général de Saint-Ouen Habitat Public a publié un communiqué dans lequel il présente ses « plus sincères excuses à l'ensemble des locataires du 41 rue Dhalenne qui ont pu être heurtés à juste titre par la communication pour le moins extrêmement maladroite qui a été affichée cette semaine. »

....

Rester vigilant.

samedi 13 décembre 2014

Les magiciens du samedi




1981

Nous avions, je crois, déjà quitté la ville d’A pour le village de F.

Quitté la petite maison, nichée au bout de l’allée. Quittée aussi la cour pavée de briques rouges, théâtre de mes jeux de garçonnet. Quitté le jardin partagé en deux par une allée que pas un brin d’herbe ne venait « salir ». La fierté du père. Les rangs de légumes bien alignés, la terre noire travaillée avec soin, si fine qu’elle s’écoulait comme du sable entre les doigts un peu écartés. Quittés aussi ces voisins charmants, deux petits vieux ; j’ai oublié leurs prénoms ; je me souviens seulement qu’ils étaient « pépé » et « mémé ». Un coup d’œil aux lapins dans les garennes, presque sentir à l’évocation de ces souvenirs pâlis l’odeur de la paille stockée dans l’appentis.

La porte de la cuisine était toujours ouverte, zoom sur la vieille boîte en fer emplie de Lutti posée bien en évidence sur le buffet en formica blanc. L’impatience de mes doigts encore malhabiles à dépapilloter le bonbon. Retrouver soudain la saveur sucrée du caramel qui fond lentement dans la bouche. Echanger sans doute quelques mots de rien.

Curieusement, si je peux encore voir chaque détail de la maison de nos voisins, j’ai perdu l’image de leurs visages en chemin, il ne me reste que la douceur des minutes heureuses passées là.

Que ce soit dans la maison d’A. ou dans celle du village de F. il y a un détail qui me revient souvent à l’esprit.

La radio de ma mère posée dans un coin de la cuisine.

Elle avait, elle a toujours l’habitude d’avoir une radio allumée. Une présence discrète qui l’accompagne dans les menus travaux qui peuplent ses journées maintenant qu’ils ne sont plus qu’eux deux, nos vieux.

Longtemps ça a été une vieille radio, sans doute achetée aux débuts de leur mariage.

C’était un de ces vieux machins avec une aiguille blanche qui voyageait sur le grand « écran ». Il y avait tout un tas de noms de villes inscrits en lettres blanches sur le fond rouge. J’aimai à faire des voyages d’une ville à l’autre rien qu’en tournant le bouton. Entendre des voix étrangères, sauter d’un continent à l’autre juste en bougeant l’aiguille de quelques millimètres. 

Aujourd’hui cette magie de l’aiguille n’existe plus, remplacée par un poste moderne avec un affichage digital. Et puis à quoi bon ? Le monde est maintenant accessible d’un seul clic. Facile. Trop peut-être ?

1981

Je n’ai pas de souvenir très net de ces premières années passées à F.

Il me manque des années entières, effacées. Perdues je ne sais où. Des années passées à faire je ne sais quoi. J’ai beau fouiller dans ma mémoire, rien ne vient. Un peu comme si le temps s’était soudainement dissout ou arrêté.

Je ne sais pas comment ce phénomène a pu se produire, est-ce que j’ai continué à marcher en ne pensant qu’au prochain pas ?

Est-ce que le monde est soudain devenu transparent ?

J’ai souvent cette curieuse sensation d’être « à côté », là, mais pas tout à fait. Là, mais ailleurs, en avance ou en retard d’une toute petite seconde, comme décalé.

On va arrêter là avec ces divagations, je n’ai de toutes façons pas l’intelligence suffisamment déliée pour pouvoir aller au bout de cette réflexion. Et puis tu n’es pas venu ici pour ça.

1981

Sortie de l’album « Ainsi soit-il »

Louis Chedid

Je n’en ai pas de souvenir très net non plus, je ne l’ai jamais écouté en totalité.

Un titre seulement qui surnage au dessus du vide. Un titre retrouvé hier soir par hasard. J’aurai aimé l’entendre en tournant le bouton de la vieille radio. Entendre les crachotis dans le haut-parleur jusqu’à ce que la voix, les notes surgissent enfin nettes.

« Flash-back tu regardes en arrière
Oui toutes les choses que t'as pas pu faire
Tu voudrais disparaître dans l'rétroviseur
Mais personne n'a jamais arrêté l'projecteur »

Un peu de la magie de la radio est définitivement perdue. Dommage ? Je n’en sais rien. 

Sans doute un peu.



A samedi prochain pour d’autres magiciens.

Je vous laisse en vous offrant ce très beau texte de l’ami Bembelly.