mardi 10 avril 2012

De la difficulté d'aborder une oeuvre majeure.


"Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte,..." Combien de fois ai-je lu ces mots ?
Combien de fois ai-je eu en mains ce monument de la littérature française et un je ne sais quoi, peut être la conscience de ne pas avoir l’esprit assez délié ?, m’a fait refermer le livre à peine ouvert.

Le temps est venu d’aller au bout de La recherche, de partager avec des milliers d’autres lecteurs les bonheurs simples de la découverte de ces lieux que j’ai souvent entendu évoquer, de voir écrites par une autre main ces sensations que l’on éprouve mais que l’on ne sait pas soi-même décrire.

Au delà du marathon que représente la lecture d’une telle œuvre, il m’en restera sans doute quelque chose. Quoi ? Je ne sais pas encore. Parce qu’enfin, que nous reste t-il des textes que nous lisons ?

Des fragments ?

Parfois la troublante impression d’avoir déjà vécu les situations que vivent les héros ?

Ou plus simplement, une bulle de sérénité, un instant en dehors du présent ?

 Non, je ne vous livrerai pas une énième variation sur la madeleine, ce sujet a déjà été maintes fois rebattu par les exégètes dont je ne suis pas. Je ne suis qu'un pauvre lecteur, les mots ne sont pour moi que les clefs qui ouvrent d'autres voies, ils ne sont qu'un moyen d’entrapercevoir ce que d'autres voient en pleine lumière. 

La lumière, justement :
" Que je l’aimais, que je la revois bien, notre Église! ... Ses vitraux ne chatoyaient jamais tant que les jours où le soleil se montrait peu, de sorte que fît-il gris dehors, on était sûr qu’il ferait beau dans l’église...  Il y en avait un qui était un haut compartiment divisé en une centaine de petits vitraux rectangulaires où dominait le bleu, comme un grand jeu de cartes pareil à ceux qui devaient distraire le roi Charles VI; mais soit qu’un rayon eût brillé, soit que mon regard en bougeant eût promené à travers la verrière tour à tour éteinte et rallumée, un mouvant et précieux incendie, l’instant d’après elle avait pris l’éclat changeant d’une traîne de paon, puis elle tremblait et ondulait en une pluie flamboyante et fantastique qui dégouttait du haut de la voûte sombre et rocheuse, le long des parois humides, comme si c’était dans la nef de quelque grotte irisée de sinueux stalactites que je suivais mes parents, qui portaient leur paroissien; un instant après les petits vitraux en losange avaient pris la transparence profonde, l’infrangible dureté de saphirs qui eussent été juxtaposés sur quelque immense pectoral, mais derrière lesquels on sentait, plus aimé que toutes ces richesses, un sourire momentané de soleil; il était aussi reconnaissable dans le flot bleu et doux dont il baignait les pierreries que sur le pavé de la place ou la paille du marché; et, même à nos premiers dimanches quand nous étions arrivés avant Pâques, il me consolait que la terre fût encore nue et noire, en faisant épanouir, comme en un printemps historique et qui datait des successeurs de saint Louis, ce tapis éblouissant et doré de myosotis en verre."

3 commentaires:

  1. Je dois le confesser, monsieur Proust m'emmerde. Avec sa phrase interminable, son accumulation de détails sans grand intérêt, il n'a que faire du lecteur et, selon moi, n'écrit que pour lui-même. C'est au mieux de la masturbation ennuyeuse. #MonAvis

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    1. C'est effectivement #tonavis et je le respecte.
      Je comprend que l'on puisse être rebuté à la lecture du texte de Proust. Moi-même, si je n'avais pas eu un maître pour m'initier aux beautés cachées, j'aurai passé mon chemin hardiment.
      Voilà maintenant bientôt trente ans que je l'étudie, folie sans doute....
      Il me reste toujours le dernier chapitre à déflorer, une coquetterie à laquelle je tiens.
      Mais je n'en suis plus à une bizarrerie près.

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    2. Je comprends tout à fait, respect aussi ! :-)

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