Elle : Quoi ?
Lui : C’est samedi !
Elle : Oui, et ?
Lui : Les magiciens....
Elle : Quoi les magiciens ?
Lui : Ben les magiciens
du samedi, tu vois ?
Elle : Oui, oui, je vois,
mais encore ?
Lui : Rien, je n’y ai pas
pensé, c’est neuf heures et je n’y ai pas pensé.
Elle : Au boulot !
Lui : Tu crois ? Je
laisserai bien tomber ce truc. Je reprends un café, une clope et j’y
réfléchis.
Elle : ....
Je n’aime rien tant que l’urgence,
sentir la fièvre monter, jouer avec la deadline, la frontière invisible. Tu
traînes juste une minute de plus et c’est la chute, un coup d’accélérateur et
le truc se met en branle, tu as repris la main sur le temps, le pouvoir de
rester dans la même seconde, infinie. Ce qui vaut ailleurs n’a pas cours ici,
encore que si, tout de même un peu. Pas d’obligation, si les magiciens disparaissaient
le monde ne s’arrêterait pas de tourner, à peine un regret d’avoir, une
fois encore, échoué.
Faut y aller maintenant.
09h15
Tu viens ?
Je t’emmène dans la ville d’A.
Une immense bâtisse, les années lycée, des couloirs à n’en plus finir, un labyrinthe
du savoir.
Monter le grand escalier,
prendre tout de suite à droite au bout du grand hall, gravir les deux étages,
à droite encore, salle 126. Pousser la porte. Un autre monde.
Un monde de couleurs. D’odeurs
aussi. Pas celles poussiéreuses des salles d’études, non. Des odeurs de
peintures, de solvants, de vernis, de colle, de plâtre, les odeurs de nos
expériences graphique.
La bande, toujours la même. Et
l’espace sous les toits, nos regards hauts perchés sur la ville alentour.
Et la musique toujours.
New Gold Dream (81, 82, 83, 84,)
Un son qui allait parfaitement
bien avec mes expériences du moment. Des piles et des piles de magazines, des
tampons de tissu, la toile encore vierge et un liquide magique.
Trichloréthylène.
Ce truc qui me permettait d’arracher
aux pages leurs couleurs, une autre façon d’imprimer des rêves en pastels. Des
pastels doux déchirés par des rouges violents, des noirs profonds. Tout un
univers contenu sur un châssis 60X80.
Je, nous ressortions de la 126
à moitié shootés par les vapeurs de trichlo. Avec aussi probablement quelques neurones en moins.
Et puis tout s’est arrêté. Un
jour de colère, de déception ou peut-être la trop forte conscience de l’inutilité
de ce travail ; je ne sais plus ; malgré quelques prix et récompenses, des
petites expos, j’ai tout détruit. Tout balayé. Les pinceaux, les couleurs, les
encres. Tout. Le vide.
Reste le souvenir de ce son entendu
l’autre matin.
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