samedi 4 avril 2015

Les magiciens du samedi




Longtemps je me suis levé de bonne heure.

Oui, je sais, tu as certainement déjà lu ça ailleurs. Peu importe, toutes proportions gardées, il y a des histoires qui sans être tout à fait les mêmes se ressemblent.

Longtemps je me suis levé de bonne heure.

Jusqu’à ce matin là.

Six heures. La sonnerie du réveil m’agresse. La première idée qui me traverse l’esprit est de rester dans l’abri douillet des draps. Un refuge, ne pas avoir à affronter une autre journée. Etre protégé des agressions du monde. Le corps douloureux, accomplir tout de même les gestes du quotidien. Les tripes nouées, prendre la route, essayer de faire « comme si ». Premier arrêt, le comptoir. Les conversations amies ne sont qu’un bourdonnement lointain, il faut déjà penser à la prochaine étape. Violente celle-là. Etre celui qu’on attend que je sois. Le sol tangue, il reste quelques mètres à parcourir, il est encore temps de faire demi-tour. Ne pas céder, surtout ne pas céder. Les larmes coulent derrière le masque. Affronter. Regarder les heures s’étirer. Lutter. Essayer d’épuiser la douleur. Un combat. L’armure qui se fissure peu à peu.

Et puis il y a le reste, les heures passées à scanner l’info, les heures passées à engloutir les mots, les images, les sons. Une boulimie. Une rage de savoirs. Le monde est là, à portée de doigt. Les distances n’existent plus, je passe d’un continent à l’autre d’un clic. Pas le temps de me poser, je suis déjà ailleurs.

Ailleurs. Le mal est peut-être aussi là. Ailleurs. Une lente plongée dans un univers virtuel. Connecté, je ne vois plus ceux qui sont là juste à côté.

Déconnecté.

Je sens que je suis au bord de la falaise et pourtant je continue d’avancer. Je m’abîme de plus en plus. J’imagine que je suis protégé de la violence des images et des mots absorbée en temps réel par le rempart de l’écran. Je ne le sais pas encore, je ne m’en rends pas encore totalement compte. Je ne vois pas qu’il est trop tard.

Je ne m’aperçois pas que je ne suis déjà presque plus là.

Et puis il y a eut cet « accident » un soir de juillet dernier, je reste assommé, tout me fait peur, la moindre douleur me fait perdre pied.

Panique.

Des heures passées prostré. Je cherche n’importe quel prétexte pour me réfugier dans le sommeil. Des jours comme des nuits, des heures perdues dont je sors épuisé. Même si je sens que la chute est proche, j’essaie de continuer.

Jusqu’à ce matin là.

Ce matin là j’arrête de me cacher, je prends la seule décision qui s’impose. Si je n’en dis rien, je sais à cette minute précise qu’un autre combat m’attend.

De ces jours passés éloigné je ne souhaite rien dire, ils m’appartiennent. Juste remercier celles et ceux qui m’ont soutenu et guidé pendant ces quelques semaines.

Aujourd’hui je sais que le chemin est encore long. Des béquilles chimiques me soutiennent, m’aident encore à mettre un pied devant l’autre. Mais l’envie revient, peu à peu. Il reste encore du travail à accomplir. Essayer de trouver les blessures, d’apaiser les colères, d’estomper les regrets.

Ce matin je me suis levé tôt.

J’ai quitté le doux du lit pour profiter des petites heures, du silence peuplé de sons assourdis par la brume qui s’attarde accrochée aux grands arbres là-bas dans les lointains.

Il y a maintenant un autre possible.

2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Peut-être pas recommencer mais continuer. Différemment. Revenir à des choses plus essentielles, plus simples. Etre et plus seulement essayer de paraître.
      Si tant est que j'y parvienne un jour, il faudra du temps avant que je sois totalement guéri.
      Sais-tu Dominique ce que je me dis chaque matin ?
      Je vais mieux.
      Pour l'instant ça me suffit.

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