samedi 8 novembre 2014

Les magiciens du samedi




Ce matin j’avais besoin de sortir tôt et comme d’habitude j’étais plutôt à la bourre, j’ai donc pris la première bagnole dans le garage. Il s’est trouvé que c’était la « petite voiture », cela faisait des semaines que je ne l’avais pas conduite, j’ai eu plaisir à la retrouver. Vive, nerveuse, habituée depuis son enfance à être un peu malmenée (si, si je t’assure on peut très bien parler d’enfance s’agissant d’un véhicule).

Bon, arrivé là il faut que je te raconte comment je me suis fait arnaquer par ma fée il y a quelque temps.

Nous avions besoin de changer le véhicule de ma douce. Avec l’âge (pas l’âge de ma douce, andouille !) il y avait quelques frais à prévoir, peut-être quelques emmerdes à venir, bref il était temps.

Un samedi que nous n’avions pas grand-chose d’autre à fiche, nous nous sommes décidés à aller faire la tournée des concessionnaires du coin. Budget bien en tête nous passons la porte du premier sur notre route, un peu comme ça, presque au hasard.

Un tour du hall d’expo, après un regard rapide sur les entrées de gamme, nos pas nous amènent tout naturellement vers des modèles plus « étoffés ». Et puis tu sais comment ça se passe dans ces cas là, au bout de cinq minutes tu as le vendeur avec son sourire Ultra Brite qui s’amène. Je n’aime pas trop ça quand on m’accoste trop vite, je me sens comme agressé, il m’est arrivé très souvent de faire demi tour illico prestissimo quand à peine passée la porte une ou un vendeur me tombe tout de suite sur le paletot. Je sais bien que c’est le job, qu’il faut bien pousser un peu le chaland, il n’empêche c’est plus fort que moi, je tourne les talons.

Revenons-en à mon vendeur Ultra Brite. Il m’a été tout de suite sympathique, la petite cinquantaine décontractée, on palabre un peu, budget, modèle....enfin tu vois le truc. Classique. Le mec, très pro, nous dirige bien sur vers tout autre chose, une machine sur laquelle nous n’avions même pas posé les yeux. Tu sais comment ça se passe dans ces cas là, tu te dis que non ce n’est pas raisonnable, que ça sort trop du cadre de ce qui était prévu. La tête dit non encore, mais moins fort déjà. Et puis tu craques. C’est vrai qu’elle est pas mal cette caisse, il doit y avoir là-dedans presque tout ce qu’il est possible d’imaginer en matière d’options, un moteur qui te demande d’appuyer encore un peu plus sur la pédale de droite, un petit plaisir pour ma fée.

Sauf que. Et bien sauf que le jour de la livraison, arguant de je ne sais plus trop quel prétexte, une course ou de je ne sais plus trop quelle autre connerie, ma fée m’a demandé de prendre le volant de la nouvelle et de la ramener à la maison. Lendemain, rebelote nouveau prétexte, trop tôt, pas eu le temps de regarder le fonctionnement de la bête. Pas le temps de discuter, me revoilà délaissant ma petite bestiole habituelle et de reprendre la route avec la jouvencelle.

Et ainsi de suite....

C’est un moment après que j’ai compris, ma fée voulait me faire plaisir et « m’offrir » un nouveau jouet.

Tu te demandes sans doute ; si tu es arrivé jusqu’ici c’est que tu es un tout petit peu curieux ; où je veux en venir avec mon histoire de bagnoles alors que normalement ici le samedi c’est musique.

Attends deux secondes, je t’essplique.

J’ai beaucoup écouté la radio quand j’étais plus jeune, presque à longueur de journée à une époque. Si tu as le même âge ou à peu près que moi, tu te souviens certainement de l’explosion de ce qu’il était convenu d’appeler les « radios libres », nous passions notre temps à naviguer sur la bande FM, c’était toute une aventure, les émetteurs lâchaient sans arrêt, il y avait les « brouillages », et puis avec la libéralisation, les radios commerciales sont arrivées avec la soupe servie à heure régulière. Je me suis vite lassé.

En voiture aussi je suis passé à autre chose, j’avais toujours une provision de CD, pas un kilomètre sans musique. Des albums de toujours, écoutés en boucle. Et puis là encore je suis passé à autre chose, une boulimie d’infos, branché sur les radios plus « sérieuses ». L’âge peut-être aussi.

Sauf que ce matin, quand j’ai pris « la petite » celle que ma fée conduit désormais chaque jour, il y avait un CD dans le lecteur, c’était bien la première fois que j’en voyais un dans cette bagnole.

J’ai bien vite rebasculé vers Europe1, ce n’est pas que je sois maso, mais, même si les nouvelles ne sont pas toujours très bonnes, il me faut ma dose d’infos.

Et tout en roulant, j’ai repensé à cette nouvelle entendue l’autre après-midi, celle de la disparition de Manitas de Plata. Ça m’a fait un drôle d’effet d’apprendre sa mort. Depuis que je suis tout petit j’en entends parler comme d’un être légendaire. Je ne vais pas te mentir et te dire que je n’écoute que ça, que je connais son répertoire par cœur. Non, rien de tout cela. S’il m’arrive de l’écouter, c’est par hasard au détour d’une autre recherche. La plupart des fois ce ne sont pas tant les notes que j’écoute que ses mains que je regarde. J’ai cette fascination pour les mains des guitaristes, pour les doigts agiles qui glissent sur les cordes. Une fascination quasi hypnotique. Je me repasse parfois presque à l’infini quelques secondes d’un morceau juste parce que la main a eut un mouvement gracieux, parce que des doigts qui semblent caresser les cordes jaillissent des notes puissantes, vibrantes, de ces notes qui te glacent soudain le dos, des notes qui te procurent presque une douleur délicieuse. Manitas de Plata était de ces musiciens que j’ai aimé regarder.

J’aurais pu, au lieu de toutes ces divagations, essayer d’écrire un hommage à ce magicien, à cet homme aux mains d’argent. Mais rien de ce que j’aurai pu écrire n’aurait égalé le texte de Martine Dardenne que je t'invite à lire ici.



2 commentaires:

  1. As-tu bientôt fini de me chambouler comme ça un dimanche matin ? Bon, je suis trop émue pour raconter des tarabistouilles, alors simplement MERCI José !

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    1. Bien loin de moi l'idée de te chambouler, encore plus un dimanche matin. Et puis je ne fais que raconter quelques histoires, des trucs qui me passent comme ça par la tête. Des trucs qui n'ont d’intérêt que pour moi. Un peu comme un carnet de notes pour ne pas oublier.

      Bon ok, il y a aussi quelques instants de magie. Un dialogue de mots et de notes improvisées qui restera comme un grand moment de télévision.

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